L'oeuvre étudiée pendant le stage



Édition Bärenreiter H7920

Antonín Dvořák

1841-1904


Stabat Mater, op. 58

pour solistes, chœur et piano


Douleur et reconnaissance – la genèse d'un chef d'oeuvre dans des conditions funestes

Prague, 1875. Le jeune Antonín Dvořák est un musicien de 33 ans, peu connu en dehors des frontières de sa Bohême natale. Après avoir abandonné son poste d'altiste dans l'orchestre de l'opéra, il est organiste de l'église Saint-Adalbert. En ce mois de septembre se joue une tragédie familiale qui va profondément marquer le compositeur et sa carrière : le décès de sa fille Josefa deux jours après sa naissance le terrasse de chagrin. Frappé par la douleur de ce deuil, Dvořák se lance pour la première fois dans la composition d'une pièce sacrée : ce sera un Stabat Mater. Celui-ci deviendra une pièce majeure de l'oeuvre de Dvořák, mais aussi l'une des pages les plus émouvantes de l'histoire de la musique.

Composée entre le 19 février et le 7 mai 1876, la version initiale du Stabat Mater est écrite pour quatre solistes, un chœur et un piano. Le compositeur ne reprendra le manuscrit qu'après l'avoir délaissé durant un an, et après avoir vécu deux nouveaux drames intimes : en août et septembre 1877, il perd ses deux autres enfants à quelques semaines d'intervalle. Il se remet alors au travail, ajoute trois nouveaux mouvements à sa partition (les numéros 5, 6 et 7) et élabore l'orchestration dans les semaines qui suivent. En deux mois, l'oeuvre est achevée.

Dépassant sa propre souffrance, Dvořák établit dans ce Stabat Mater un parallèle entre sa propre douleur face à la mort de ses enfants et celle de Marie, vulnérable et accablée de chagrin au pied de la croix. Dans ces pages, empreintes d’une émotion profonde et d'un drame intense, il confie essentiellement aux voix, solistes et chœur, l'expression d'un sentiment spontané, de l’affliction et de l'inconsolabilité face à la mort. Cette oeuvre monumentale bouleverse l'âme tant par son recueillement profond que par sa pureté mélodique. Elle culmine dans un final à l'inspiration miraculeuse, porte entrouverte sur l'espoir d'un apaisement, et atteint à une grandeur quasi universelle.

Représenté pour la première fois à Prague le 23 décembre 1880, le Stabat Mater vaudra à son auteur une reconnaissance internationale après la publication de la partition à Berlin sur la recommandation de Johannes Brahms.

Pour le stage, c'est la version pour solistes, chœur et piano que nous travaillerons et que nous donnerons en concert, sublime dans son dépouillement, soulignant la force de l'expression dramatique et l'intensité de l'écriture vocale.


Entre oeuvre sacrée et pièce de concert – un Stabat Mater détaché de la liturgie

Si l'écriture de Dvořák dans son Stabat Mater suit globalement la version liturgique du missel romain, elle s'en écarte à plusieurs reprise afin d'exprimer de manière plus touchante encore la douleur d'une mère éplorée devant son fils mourant et de mieux traduire sa propre douleur. Bien qu'étant l'oeuvre d'un compositeur à la foi profonde et à la piété fervente, la pièce n'a en effet pas été créée comme une œuvre liturgique destinée à être jouée durant des offices, mais bien comme un ouvrage destiné à être donné en concert. La date de sa création, deux jours avant Noël 1880, est d'ailleurs bien peu orthodoxe pour un Stabat Mater (généralement donné durant la semaine sainte) et trahit son caractère non-liturgique. Née dans les heures les plus sombres de son compositeur, cette pièce est surtout une œuvre d'une grande puissance dramatique et une partition qui touche les fibres les plus intimes de l'humain.

©Philippe Barbier


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